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Le début d’une belle histoire…

Tout commence fin 2017, au pays de la monoculture de maïs, lorsqu’une dizaine de paysans et paysannes décident d’implanter des céréales d’hiver dans leurs rotations. Les intérêts sont multiples : allonger les rotations pour améliorer la gestion des adventices, étaler la charge de travail, réduire l’impact des épisodes extrêmes (sécheresse et inondation) dus au changement climatique ou encore participer au développement économique local. Toutefois, le problème de la valorisation de ces cultures et de leur rentabilité se pose rapidement. Transformer ces céréales en farine en créant une unité collective s’avère une solution pertinente, une partie des agriculteurs de ce groupe ayant déjà l’expérience de la création de filière collective. Les objectifs sont multiples : créer de la valeur ajoutée avec un projet local développant sur un même site une unité de stockage et de transformation, mais aussi créer et maintenir des emplois sur les fermes et le territoire.

Le groupe sollicite donc naturellement l’accompagnement de l’Association Landaise pour la Promotion de l’Agriculture Durable et de la Fédération Départementale des Cuma 640 afin de les orienter au mieux. Dans ce cadre, les 2 structures organisent plusieurs visites de différentes unités de transformation comme Flor del Peira, la ferme des 3 lagunes ou encore une minoterie dans le pays basque afin que les agriculteurs se positionnent sur le dimensionnement de leur projet.

Après de nombreuses réunions, le groupe se structure en commission de travail pour se répartir les différentes tâches :

  • « Production » : les agriculteurs se chargent de toute la partie visant à trier, stocker et transformer les grains. Ils réalisent les devis pour les machines, les plans de leur minoterie, réalisent des essais, installent les machines, etc.
  • « Communication » : ses membres s’affairent à trouver un nom de marque commerciale, le déposer, identifient les futurs débouchés, réalisent les différents packagings, préparent une campagne de financement participatif, etc.
  • « Qualité » : cette commission a en charge la rédaction du cahier des charges, la définition du prix, la mise en place des essais variétaux et le suivi des cultures.

Pour ces différentes actions, ils font également appel à des spécialistes et formateurs indépendants pour être bien conseillés. Suite à ces diverses actions d’animation, le projet a pu être défini. Aujourd’hui, il est dimensionné pour transformer 200 tonnes de farine à l’année (soit 220 tonnes de grains). Toutefois, la capacité de cette installation peut atteindre les 400 tonnes, ce qui permettra d’envisager l’augmentation du nombre d’adhérents de la coopérative ou d’augmenter les surfaces de cultures de diversification. Il comprend l’investissement collectif dans des unités de stockage et de transformation sur un même site. Cela facilitera le travail pour les agriculteurs et les futurs salariés.

Le stockage est prévu dans des cellules en bois, car en plus du choix d’un matériau écologique, cela permet une meilleure conservation des céréales durant l’année. Les paysans ont fait le choix d’un moulin à meules de pierre car il permet d’obtenir une bonne qualité de farine, de garder tous les nutriments et les qualités gustatives, et de se démarquer des minoteries industrielles. Les farines seront ensuite tamisées via un plansifter. Elles seront stockées en chambre froide avant d’être commercialisées en sac de 25kg. Elles seront vendues sous une marque commune, « Faire du blé ». Un cahier des charges (page suivante) a bien évidemment été rédigé pour définir les règles au sein du groupe.

…qui se concrétise

Depuis les premières esquisses du projet en 2017, celui-ci a fortement évolué avec ses hauts et bas. Il a su fédérer un noyau d’agriculteurs motivés et est sur le point de se concrétiser. Les banques ont validé le projet et les premières machines sont commandées. L’aventure du groupe est en train de prendre un nouveau tournant avec l’installation de la minoterie à l’automne 2022. De nouveaux challenges sont à relever : gérer une production et une commercialisation plus importante et surtout s’adapter continuellement aux effets du changements climatiques. Plusieurs leviers sont déjà imaginés : développement du semis direct, développement de nouvelles cultures bas intrants comme l’épeautre, le millet, le chanvre et de cultures associées ainsi qu’un travail sur le choix variétal.

Il y a 5 ans les céréales d’hiver représentaient moins de 10 hectares chez l’ensemble des adhérents. Après plusieurs campagnes climatiques compliquées, en 2022 ce sont environ 100 ha de blés et seigles qui ont été semés par les agriculteurs dont 85% sont conduits en agriculture biologique. Les 15% restant n’ont pas reçu de traitement chimique après semis car les agriculteurs les ont interdits dans leur cahier des charges. Parmi les itinéraires techniques, une majorité a été réalisé en techniques culturales sans labour voire en semis direct pour certain.

Depuis 2020, environ 20 tonnes de farine ont été produites et commercialisées par les adhérents, principalement en vente directe et à des boulangers locaux. L’objectif de rémunérer le grain en fonction des coûts de production a été atteint pour les récoltes 2021. Pour 2022, les tarifs prévus sont en train d’être réévalués au vu du contexte inflationniste.

Sans oublier les semences paysannes !

C’est en partie grâce aux semences paysannes que ce projet a vu le jour. En effet, c’est grâce aux rencontres et aux échanges, notamment lors des visites des plateformes de la Maison de la Semence Paysanne d’AgroBio Périgord, que le projet a jailli dans les mains des paysans landais. En outre, les échecs « cuisants » avec les semences paysannes, n’ont pas réussi à renverser les petites réussites, qui ont pu être rencontrées. Par exemple, la même année (2018), la moitié des parcelles de blé semées étaient versées mais des rendements de 20 quintaux par hectare étaient observés. Ces résultats, ainsi que la pression locale, ont considérablement questionné les agriculteurs sur la viabilité des céréales à paille dans leur département. Mais les landaises et les landais n’ont pas la réputation de cap bourrut pour rien. Ils ont donc persisté.

Ainsi, une partie de la solution a été d’orienter la culture des céréales à paille vers des variétés « certifiées » tout en développant une minoterie collective. En parallèle, des plateformes de sélection et multiplication ont été mise en place et des formations ont été organisées autour des semences paysannes. Mais, multiplier, conserver, sélectionner, se former demandent du temps, que les paysans consacrent au développement de leur unité de production pour assurer une viabilité économique de leurs productions bio, conventionnelles, issues de semences paysannes ou certifiées. 

Actuellement, les semences paysannes sont cultivées par une partie des adhérents soit en culture pure, soit en mélange avec des variétés « certifiées ». Mais tout aussi dynamiques que les semences paysannes, les paysans s’adaptent ! Le projet débute à peine mais il y a fort à parier que les semences paysannes participeront encore davantage à cette aventure ! Les suites aux prochains épisodes.